Contre les enfermements!

« Briser l’isolement, c’est prendre le temps de construire ensemble. Construire nos résistances et sortir du cadre qui nous est imposé. Prendre soin de nos communautés, les faire perdurer. S’organiser pour compenser, guérir, prévenir et trouver des moyens d’esquiver toutes les stratégies d’enfermement et d’isolement. Notre militantisme ne saurait se contenter du climat anxiogène et délétère actuel, il doit aussi nous procurer de la joie et nous redonner espoir ! »

Sortons de l’effroi !

« On n’a jamais autant besoin des luttes, des perspectives révolutionnaires et utopiques qu’en temps de grand désespoir. Nous devons nous accrocher à un mot d’ordre : sortir de l’effroi, et pour cela, il nous faut ne surtout pas être raisonnables. »

Village des féminismes, 8 mars 2020

8 mars 2020, Paris : retrouvons-nous au Village des féminismes

Sortir de l’effroi

En France, le féminisme institutionnel se contente de négocier les limites de son propre confort et de ses propres privilèges au sein du système qu’il défend bec et ongles. Par ailleurs, les trois dernières décennies ont vu la gauche dite gouvernementale investir son énergie dans la négociation des contours de la domination en France, et de la France sur les pays des Suds, face à un ennemi ne reculant devant rien pour extraire et accumuler les profits. C’est pourquoi, en ce 8 mars 2020, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, nous sortons de l’effroi et vous appelons à en faire tout autant avec nous.

Cette gauche a enfanté le monstre qu’elle feint de combattre : LREM. Le spectre politique dit de gauche n’a pas su ni voulu renoncer à l’ethnocentrisme, au néo-colonialisme, au patriarcat ou aux mirages d’un capitalisme “à visage humain”. Cette incapacité le rend aujourd’hui plus que jamais obsolète, sans secours face au danger absolu que représentent les deux gouffres que sont le néo-libéralisme mondialisé et le néo-libéralisme identitaire nationaliste. 

Dans un débat quadrillé par les politiques et les médias, seules restent discutables les formes et modalités de la domination dans un système néo-libéral sécuritaire fonctionnant à plein régime. Un système poussé par l’appétit rapace de la bourgeoisie, et menant une guerre totale pour détruire ce qui reste d’acquis sociaux après trois décennies d’alternance entre droite et social-démocratie. 

Nous sommes cerné-e-s par les multiples visages de l’exploitation et de la violence inscrites dans l’espace domestique, dans le travail visible et invisible, dans des débats interminables sur qui a le droit ou non de disposer de son corps, dans la criminalisation toujours plus forte et implacable des marges, dans le flicage social et administratif, dans l’injustice, l’exportation de la guerre et du désespoir. 

On n’a jamais autant besoin des luttes, des perspectives révolutionnaires et utopiques qu’en temps de grand désespoir. Nous devons nous accrocher à un mot d’ordre : sortir de l’effroi, et pour cela, il nous faut ne surtout pas être raisonnables. 

Défier la fatalité 

Partout dans le monde, des personnes s’organisent, essayent, résistent, échouent et recommencent, s’évertuant à défier la fatalité pour ré-inventer un monde. Un monde qui n’est pas pensé autour d’un centre, mais autour de la puissance des organisations politiques, organisations dont la pensée des féminismes imprègne les formes, les enjeux et les luttes. 

Le 8 mars prochain, ce sont ces formes d’organisations politiques sur des fronts différents et qui s’entre-croisent que nous voulons mettre à l’honneur. Pour regarder en face le chemin qui reste à faire et célébrer la force, la détermination et la pugnacité mises en mouvement au quotidien : des luttes des femmes de chambre à la mobilisation pour la PMA, en passant par les réponses au féminisme carcéral ou la lutte contre la criminalisation des travailleu-r-ses du sexe.

La nécessité de vaincre 

Le 8 mars 2020, nous vous attendons nombreux-ses au village des féminismes, qui réunira des organisations qui portent des visions du féminisme pour un changement radical de système.  Venez célébrer, échanger, construire et découvrir. 

Il est assez clair qu’aucune cohabitation pacifique n’est possible avec ce système. Notre objectif ne peut se contenter de s’accommoder, de contourner ou de survivre. Il n’y aura ni victoire facile, ni génération spontanée. Plus qu’un souhait, l’organisation politique basée sur des luttes, le renversement des rapports de force sont des préalables, et vaincre est une nécessité.

Rendez-vous à Paris, au CICP le dimanche 8 mars 2020 de 14h à 18h, Centre International de Culture Populaire, 21 ter rue Voltaire, 75011 Paris (métros Rue des Boulets, Charonne, Nation, Alexandre Dumas, Avron)
Événement Facebook : https://www.facebook.com/events/176384607133356/
Programme détaillé à venir (stands, performances, batucadas, lectures de textes politiques, discussions, livres, zines, etc.)

Organisations signataires (contact à villagedesfeminismes8mars@gmail.com) :
Mwasi
Afro-fem
FièrEs
Strass
Acceptess-T
Lallab
Nta Rajel?
Parlons des Femmes noires
AG Queer VNR
Collectif Irrécupérables
Act Up-Paris
Women’s March Paris
Guarichas Cósmikas
Genepi
Saint-Denis Ville au Cœur
Alerta Feminista
Association Qwinz
Les Ourses à plumes
Abaniko
Contre-attaque
Bloc Latino-américain
La BAFFE
Des Bombes Atomiques IDF
Revue AssiégéEs
Collectif Féministes Révolutionnaires
Extimité
Cyclique
Diivineslgbtqi+
Collectif Les bavardes
Humans For Women
Les dévalideuses
Collectif des Rosas
Les mains paillettes
Association Hystérique
Filles de Blédards
Centre lgbtqi+ Paris-ÎdF
Voix Déterres
Collectif Fémin/Asie
Sciences Curls
Association Bora
Polysème Mag
Deuxième Page
CLE-Autistes
Le club Dé·bridé
Afro-Bénin
Collectif des mères solidaires
QTPOC Autonomes Paris
Infokiosque Ambulant
COFIN – Collectif Féministe Intersectionnel de Nanterre
Women who do stuff

Contre les enfermements, et pour lutter ensemble!

Manifeste du Village des féminismes 2021

Contre les enfermements, et pour lutter ensemble !

Le 8 mars 2020, pour la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, le Village des féminismes #1, et sa cinquantaine de collectifs et associations, accueillait plus d’un millier de personnes pour sortir de l’effroi face à la complaisance du féminisme institutionnel et de la gauche gouvernementale. Cette année, nous ne pouvons que constater les mêmes dynamiques d’instrumentalisation du féminisme par les mêmes institutions et classes dirigeantes. En effet, en refusant d’envisager la nécessité d’une profonde remise en cause du système, les sphères du pouvoir prennent appui sur lui en creusant toujours plus les fossés qui nous isolent à la périphérie, afin de satisfaire leur place de choix au sommet de ce système. Puisque la crise sanitaire actuelle sert de prétexte pour perpétrer et endurcir ces politiques d’isolement, nous en prenons acte en nous positionnant contre les enfermements. 

Depuis le premier confinement, est mise en lumière l’insuffisance des institutions contre lesquelles nous luttons depuis toujours en tant que féministes. La crise sanitaire révèle et amplifie les dysfonctionnements structurels de la machine capitaliste patriarcale et néo-coloniale dans laquelle se situe la France. Les femmes, surreprésentées dans les métiers dits subalternes, se sont retrouvées en première ligne dans la “guerre” proclamée par Macron contre le Covid-19. Les personnes déjà fragilisées que sont les femmes racisées, dont les musulmanes, les femmes trans, migrantes, TDS, précaires et/ou en situation de handicap n’ont en retour que des réponses institutionnelles inconséquentes et méprisant leur humanité. La mauvaise gestion étatique a aggravé la précarisation, l’exposition aux violences, l’éloignement des parcours de soins et les expulsions des plus précaires d’entre nous. Nos libertés et notre émancipation doivent être pensées de manière globale et ne peuvent pas se faire au détriment d’autres personnes plus vulnérables. 

Nos libertés sont également menacées par le projet de loi “séparatisme” prétendant “conforter les principes républicains”, énième discours politique sexiste et islamophobe qui représente une menace notamment pour les droits des musulmanes déjà lourdement discriminées sur le marché de l’emploi, dans leur accès à l’éducation et aux loisirs. Encouragés par des gouvernements qui changent et se ressemblent, se nourrissant avec plus ou moins de délectation des imaginaires coloniaux et racistes, les médias et politiques n’ont de cesse depuis plusieurs décennies de désigner les musulman·e·s comme ennemi·e·s de l’intérieur. Les femmes musulmanes se voient donc contraintes, pour se préserver, de redoubler d’efforts pour se conformer à des attentes intenables : renoncer à leur religion, renoncer à la vivre comme elles le souhaitent, renoncer à leurs identités, à leurs cultures, à leurs vêtements, renoncer à vivre librement avec leurs familles et leurs communautés. Ce projet de loi représente une répression pour toutes les minorités religieuses, absolument contraire au principe de laïcité de la loi de 1905 : les musulman·e·s bien évidemment visé·e·s par le texte, mais aussi nos frères et sœurs juif·ves, chrétien·ne·s protestant·e·s, sikhs, bouddhistes… 

Les enfermements contre lesquels nous luttons en tant que féministes sont à la fois symboliques et concrets : les stratégies mises en place par l’Etat et ses institutions nous enferment politiquement et matériellement. Le Parlement fait mine de discourir encore et toujours sur nos libertés et notre droit à protéger nos familles, en refusant et conditionnant l’accès à la parentalité pour les femmes seules, les lesbiennes en couple et les personnes trans. Les violences d’Etat s’immiscent à tous les niveaux et l’objectif le plus limpide est de faire taire toute parole dissidente, qu’elle remette en question l’autoritarisme étatique ou ose réclamer ses droits. La répression policière s’est également présentée comme une priorité gouvernementale pour répondre à toute revendication : celle des soignant·e·s à qui l’on préfère donner des médailles plutôt que des moyens ; celle qui s’élève contre la loi “sécurité globale”, incitant au flicage des individu·e·s, à l’impunité policière et à la criminalisation des victimes ; celle des universitaires et des associations dont l’avenir sera conditionné au “respect des valeurs de la République”. Il faut nous interroger sur notre occupation de l’espace public et sur la visibilisation de nos revendications, principalement à travers notre droit de manifester. Peut-on parler de démocratie et de libertés lorsque manifester devient synonyme d’être mutilé·e/gazé·e/frappé·e/enfermé·e pour l’unique motif d’avoir existé dans l’espace public ? La France s’acharne à nous maintenir dans un système de privilèges et s’illustre dans sa piètre créativité pour cacher sa volonté de maintenir un ordre hétérosexiste, racial, colonial et impérialiste.

Nous ne pouvons pas aborder la question des enfermements sans mentionner la censure grandissante sur les différentes plateformes digitales, qui touche nombre de nos militantes. Alors que les discours de haine en tout genre pullulent, c’est encore une fois notre parole qui est censurée, invisibilisée et effacée. Ainsi, lorsque des menaces sont proférées quotidiennement à l’encontre de personnes marginalisées, cela “ne va pas à l’encontre des règles de la communauté”, mais lorsque ces mêmes personnes osent se demander “comment fait-on pour que les hommes arrêtent de violer?”, leurs publications sont immédiatement supprimées. Au-delà de lutter pour avoir le droit d’exister et de s’exprimer sur ces plateformes, nous luttons également contre la récupération de ces outils par l’Etat qui souhaite les mettre à profit afin de créer une société de surveillance de masse. L’autorisation récente du fichage des opinions politiques, religieuses et syndicales pourrait nous amener à nous autocensurer, voire à quitter ces espaces par peur de représailles. Le terrain digital est un véritable champ de luttes.

Face à de telles violences étatiques, face à un système défaillant et niant nos réalités, nous refusons de faire confiance aux institutions policières et judiciaires. Nous refusons que nos luttes féministes soient instrumentalisées à des fins autoritaires et liberticides. Nous n’acceptons pas la répression, l’incarcération, l’expulsion comme modes d’action. Le système carcéral punitif ne nous a jamais protégées de l’inceste, des pédocriminels, des violences domestiques, physiques, psychiques et sexuelles. Il a cependant exposé nos sœurs trans enfermées dans des prisons pour hommes aux violences que nous dénonçons. Les lois, les prisons, la judiciarisation n’arrivent qu’après coup dans une partialité raciste, classiste et lgbtqi+phobe. 

Au vu du contexte actuel, beaucoup de nos forces sont utilisées pour lutter contre, en réaction aux immondices qui monopolisent le débat public. Ce que l’on souhaite proposer pour cette deuxième édition du Village des féminismes s’inscrit au-delà de ces débats imposés : il s’agirait désormais de lutter pour nos vies, nos adelphes, nos valeurs, nos conditions d’existence, nos rêves, nos utopies. Prendre soin de soi est un acte de résistance. S’autoriser à rêver est un acte de résistance. 

Nous nous retrouverons en ligne le 7 mars 2021, non seulement pour lutter pour, mais aussi pour lutter ensemble. Cet événement sera l’occasion de nous ressourcer, nous retrouver, recréer du lien en apprenant toujours plus les unes des autres, et surtout, de casser les dynamiques d’enfermement et d’isolement dans lesquelles nous nous trouvons aujourd’hui. Nos luttes existaient auparavant, et elles continueront d’exister tant que notre humanité, notre dignité et nos droits seront bafoués. Nous sommes l’avenir, nous sommes le présent en train de se faire ; l’ancien féminisme est depuis trop longtemps perdu dans les limbes de la transphobie, la négrophobie, l’islamophobie, la putophobie et des queer et intersexophobies. 

Briser l’isolement, c’est prendre le temps de construire ensemble. Construire nos résistances et sortir du cadre qui nous est imposé. Prendre soin de nos communautés, les faire perdurer. S’organiser pour compenser, guérir, prévenir et trouver des moyens d’esquiver toutes les stratégies d’enfermement et d’isolement. Notre militantisme ne saurait se contenter du climat anxiogène et délétère actuel, il doit aussi nous procurer de la joie et nous redonner espoir !

Affiche village des Féminismes 2021 réalisée par Maya Mihindou  @mayamihindou

Organisations signataires:

Contact à villagedesfeminismes8mars@gmail.com pour signer le manifeste

Collectif Afro-Fem
Association Hystérique*
Les Bavardes    
Collectif Fémin/Asie
FièrEs
Collectif Filles de Blédards
Collectif des Juifves VNR
Genepi
Collectif Irrécupérable
Humans for Women
Collectif Collages Judéité Queer
Mwasi – Collectif Afroféministe 
Nta Rajel?
Les Ourses à plumes
Collectif PAAF 
Polysème Mag
QTPOC Autonomes Paris
Lallab
Association Qwinz
Collectif des Rosas
Sorore Ensemble
Strass
Voix Déterres
Women’s March Pari